Ce billet de blogue répond à des questions posées fréquemment concernant la dette du gouvernement du Canada.
De quoi la dette fédérale du Canada se compose‑t‑elle principalement?
La dette fédérale (ou le « déficit accumulé ») est la principale mesure de la dette du gouvernement fédéral. Elle équivaut à la différence entre le passif total du gouvernement et son actif total. Le bilan financier du gouvernement est présenté dans les Comptes publics du Canada 2019, volume 1, section 2 – État consolidé de la situation financière [1]. Les Comptes publics sont produits par le Secrétariat du Conseil du Trésor, approuvés par le contrôleur général et révisés par le vérificateur général.
Le DPB estime que, le 31 mars 2020, le passif total du gouvernement atteignait 1 227,1 milliards de dollars, et que son actif totalisait 521 milliards, ce qui donnait une dette fédérale de 706,1 milliards de dollars. La mesure de la dette fédérale reflète donc la « valeur nette » du gouvernement (c’est‑à‑dire le passif total moins l’actif total).
Le principal élément de passif du gouvernement est la dette contractée sur les marchés, qui se compose surtout de bons du Trésor et d’obligations. Parmi les autres éléments de passif importants, notons les obligations relatives aux pensions et aux prestations constituées qui sont versées aux fonctionnaires fédéraux, de même que les obligations fiscales à payer. Les principaux éléments d’actif financier comprennent les impôts exigibles et l’intérêt financier dans les sociétés d’État. L’actif non financier est constitué principalement de biens immobiliers.
D’une année à l’autre, la dette fédérale varie surtout en fonction des excédents ou des déficits budgétaires. Pour cette raison, les projections du DPB portant sur la dette fédérale sont établies de manière à reposer sur nos perspectives des revenus, des dépenses et de l’équilibre budgétaire qui en découle. Toute accumulation de la dette fédérale doit se refléter dans l’équilibre budgétaire ou les autres éléments du résultat étendu [2].
G$ |
2018-2019 |
2019-2020 |
2020-2021 |
Créditeurs et charges à payer |
159,7 |
148,4 |
155,7 |
Dette portant intérêt : |
|||
Dette non échue |
736,9 |
779,7 |
1 050,5 |
Régimes de retraite et autres passifs |
288,5 |
299,1 |
307,6 |
Total de la dette portant intérêt |
1 025,5 |
1 078,7 |
1 358,1 |
Total des passifs |
1 185,2 |
1 227,1 |
1 513,7 |
Actifs financiers |
413,0 |
430,7 |
458,2 |
Actifs non financiers |
86,7 |
90,3 |
93,5 |
Total des actifs |
499,7 |
521,0 |
551,6 |
Dette fédérale (total des passifs moins total des actifs) |
685,5 |
706,1 |
962,1 |
Quelle est la différence entre le déficit fédéral et la dette fédérale?
Les déficits permettent de mesurer la différence entre les revenus et les dépenses du gouvernement dans un exercice donné. Lorsque les revenus sont supérieurs aux dépenses, le gouvernement enregistre un excédent pour la période visée. Lorsqu’ils sont inférieurs aux dépenses, le gouvernement enregistre un déficit. Les déficits font partie du flux financier.
La dette fédérale (aussi appelée le déficit accumulé) reflète la somme cumulée de tous les excédents et déficits antérieurs [3]. Elle est un stock financier (l’accumulation de flux financiers).
2018-2019 |
2019-2020 |
2020-2021 |
|
Dette fédérale au début de l’exercice |
671,3 |
685,5 |
706,1 |
Plus : déficit |
-14,0 |
-23,8 |
-256,0 |
Moins : autres éléments du résultat étendu |
-0,2 |
3,1 |
0,0 |
Dette fédérale à la fin de l’exercice |
685,5 |
706,1 |
962,0 |
Comment la dette des sociétés d’État est‑elle comptabilisée dans le bilan financier du gouvernement?
Les éléments d’actif et de passif de certaines sociétés d’État sont inclus dans le bilan financier du gouvernement (sous l’actif brut et le passif brut), et ceux d’autres sociétés d’État en sont exclus. Tout dépend du type de société en question.
Les sociétés d’État consolidées et certains organismes sans but lucratif dépendent en partie du financement public. Les activités financières de ces entités (y compris les postes du bilan) sont consolidées dans les états financiers du gouvernement selon une méthode comptable d’intégration proportionnelle uniforme, après élimination des soldes et des opérations réciproques importants.
Les sociétés d’État entreprises sont des entreprises publiques qui peuvent tirer une grande partie de leurs revenus de leurs activités commerciales. Elles sont donc considérées comme étant autosuffisantes et sont prises en compte selon la méthode modifiée de la comptabilisation à la valeur de consolidation, qui permet au gouvernement de comptabiliser son actif net comme un actif financier, mais qui aussi d’exclure les éléments d’actif et de passif des sociétés d’État de son propre bilan financier.
En général, la dette brute des sociétés d’État entreprises est exclue de la dette fédérale parce que ces sociétés sont tenues de rembourser leurs dettes en se servant de leurs propres revenus plutôt qu’en demandant des crédits parlementaires. Certaines d’entre elles empruntent toutefois des fonds directement du Trésor public par le biais du Programme d’emprunt des sociétés d’État [4]. Dans le bilan financier du gouvernement, ces prêts sont comptabilisés dans les actifs [5].
À combien la dette fédérale du Canada s’élèvera‑t‑elle cette année?
Le DPB estime que la dette fédérale du Canada s’établissait à 706,1 milliards de dollars (30,6 % du PIB) à la fin de l’exercice 2019‑2020. Selon le scénario le plus récent du DPB, elle atteindra 962,1 milliards de dollars (44,4 % du PIB) à la fin de l’exercice 2020‑2021 [6].
2018-2019 |
2019-2020 |
2020-2021 |
|
Dette fédérale |
|||
Milliards de dollars |
685,5 |
706,1 |
962,1 |
% du PIB |
30,8 |
30,6 |
44,4 |
Précisons, afin de remettre ces chiffres en contexte, que la dernière fois que le ratio dette‑PIB fédéral a dépassé 44,4 % remonte à 2001-2002. Ce pourcentage est cependant bien inférieur au sommet de 66,6 % atteint en 1995‑1996 (selon les chiffres calculés depuis le début de la série in 1966‑1967).
En quoi la dette fédérale et les plafonds fixés par la Loi autorisant certains emprunts diffèrent-ils?
La Loi autorisant certains emprunts oblige le gouvernement du Canada à obtenir l’approbation du Parlement pour contracter des dettes sur les marchés et pour lui demander de fixer leur montant total. Selon la Loi, on calcule ce montant total en combinant deux agrégats d’endettement : 1) la dette non échue du gouvernement du Canada; 2) les emprunts des sociétés d’État entreprises désignées en tant que mandataires de la Couronne qui ne participent pas au Programme d’emprunt des sociétés d’État.
Les parlementaires votent donc sur qu’un des agrégats d’endettement. Les états financiers consolidés du gouvernement du Canada ne le montrent pas expressément, mais les éléments sont présentés dans les comptes publics du Canada [7].
1) La dette contractée sur les marchés est constituée d’obligations négociables, de bons du Trésor, de placements de titres sur le marché du détail, de bons du Canada et d’émissions de billets à moyen terme afin d’effectuer des emprunts pour les ministères fédéraux ainsi que pour les sociétés d’État mandataire et non mandataires consolidées. La totalité de la dette contractée est inscrite au passif des états financiers consolidés du gouvernement et, de ce fait, reprise intégralement dans le calcul de la dette fédérale. S’ajoutent à la dette contractée sur les marchés les rajustements de la valeur et autres obligations découlant des dettes non échues [8].
2) Les emprunts des sociétés d’État entreprises désignées mandataires de la Couronne non membres du Programme d’emprunt des sociétés d’État se composent de divers titres dont des obligations et des billets à moyen terme. Comme ils ne sont pas inscrits au passif des états financiers consolidés du gouvernement, ils ne sont pas repris non plus dans le calcul de la dette fédérale [9].
Les sociétés d’État entreprises mandataires sont censées rembourser elles‑mêmes leurs emprunts grâce à leur activité commerciale. Ces dettes ne sont donc pas indiquées dans les états financiers consolidés du gouvernement.
Comme les sociétés d’État sont mandataires de la Couronne, le gouvernement serait cependant tenu de rembourser leurs emprunts en cas de défaut de paiement. Pour l’application de la Loi autorisant certains emprunts, la dette contractée sur les marchés du gouvernement et des sociétés d’État mandataires peut être interprétée comme une mesure globale de la dette pour laquelle le gouvernement pourrait être juridiquement responsable. Cette mesure est raisonnable à titre de niveau global d’emprunt aux prêteurs du marché, qui est assujetti à l’approbation du Parlement aux fins de la transparence et de la reddition de comptes.
Quelle est la structure des échéances de la dette contractée sur les marchés du gouvernement du Canada?
La gestion de la dette du gouvernement a pour objectif d’« obtenir un financement stable à faible coût permettant de combler les besoins financiers du gouvernement du Canada et de maintenir le bon fonctionnement du marché de ses titres […] [qui] exige un équilibre entre le coût et les risques liés à la structure de la dette ».
Surtout attribuable à la forte hausse d’achats de bons du Trésor en mars et en avril 2020, environ 60 % de la dette gouvernemental viendra à échéance dans trois ans [10]. Ce pourcentage est supérieur à la moyenne (55 %) observée entre 2010 et 2020.
Milliards de dollars |
Pourcentage du total |
|
Bons du Trésor |
258,0 |
28 |
0-3 ans |
285,2 |
31 |
3-5 ans |
96,2 |
11 |
5-10 ans |
99,7 |
11 |
10 ans et plus |
141,3 |
16 |
Autres |
28,8 |
3 |
Total |
909,3 |
100 |
Les dettes venant à échéance présentent un risque pour leur refinancement — le risque que le gouvernement ne puisse pas émettre de titres à un taux économique. Une analyse de la Banque du Canada donne à penser que ces risques seraient provisoirement élevés en mars 2020, mais les dettes du gouvernement du Canada ont depuis une liquidité améliorée [11].
Compte tenu de la participation de la Banque à l’achat de titres du gouvernement du Canada, les risques de refinancement semblent faibles. Les adjudications de titres du gouvernement fédéral tenues en avril 2020 ont atteint le double des montants adjugés. Les données d’avril 2020 laissent entendre que la demande (ratio de couverture de 2,29) est légèrement inférieure à la moyenne historique (2,40), mais supérieure à celle affichée durant la crise financière mondiale de 2008 et de 2009 [12] [13] [14].
[1]. Accessible à l’adresse suivante : https://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/recgen/cpc-pac/2019/vol1/s2/efc-cfs-fra.html.
[2]. Les autres éléments du résultat étendu (de la perte étendue) sont les seuls autres éléments qui augmentent (réduisent) la dette fédérale, mais leurs montants sont historiquement négligeables par rapport aux variations du solde budgétaire annuel. Les modifications comptables se font également sentir sur la mesure de la dette fédérale, mais elles ne devraient pas remettre en question la relation annuelle stock‑flux entre l’équilibre budgétaire et la dette fédérale.
[3]. La définition a été simplifiée pour les besoins de l’explication. Dans la réalité, deux facteurs autres que les excédents/déficits peuvent faire augmenter (ou diminuer) la dette fédérale. (1) Les autres éléments du résultat étendu ou de la perte étendue représentent certaines pertes et certains gains non réalisés relativement à des instruments financiers, ainsi que certains gains actuariels et certaines pertes actuarielles qui sont liés aux pensions et à d’autres avantages sociaux futurs déclarés par des sociétés d’État entreprises et d’autres entreprises publiques. Les autres éléments du résultat étendu ou de la perte étendue n’entrent pas en compte dans l’équilibre budgétaire annuel du gouvernement, mais ils sont pris en considération dans la dette fédérale. (2) Les modifications comptables se font également sentir sur la mesure de la dette fédérale, mais elles ne remettent pas en question la relation annuelle stock‑flux entre l’équilibre budgétaire et la dette fédérale.
[4]. À partir de 2008, le gouvernement a confié l’activité de prêt à la Banque de développement du Canada, à la Société canadienne d’hypothèques et de logement et à Financement agricole Canada dans le cadre du Programme d’emprunt des sociétés d’État. À l’époque, Exportation et développement Canada avait été exclue parce que ses emprunts étaient majoritairement en devises étrangères. Les emprunts contractés par le gouvernement du Canada au nom de sociétés d’État entreprises génèrent des prêts en cours pour le gouvernement, et ces prêts sont portés à son actif. Les bons du Trésor et les obligations émis pour financer ces prêts sont considérés comme des dettes contractées sur les marchés, et constituent donc des éléments de passif dans le bilan financier du gouvernement.
[5]. Les Comptes publics du Canada, volume 1, section 9, donnent des renseignements détaillés sur les sociétés d’État entreprises.
[6]. Dans son scénario publié le 18 juin, le DPB tient compte des mesures financières prises par le gouvernement fédéral jusqu’au 12 juin 2020 inclusivement.
[7]. Voir Tableau 6.11 – volume 1, section 6 des Comptes publics du Canada de 2019, consultable à : https://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/recgen/cpc-pac/2019/vol1/s6/dne-ud-fra.html#sh10.
[8]. Notamment les réévaluations des swaps de devises, les obligations découlant de contrats de location-acquisition et les obligations en vertu des partenariats public-privé.
[9]. Les sociétés d’État entreprises sont censées rembourser elles-mêmes leurs dettes en exerçant leur activité principale qui est de vendre les biens et services à des parties externes au gouvernement, selon un modèle d’affaires viable sans crédits parlementaires (quoiqu’elles puissent néanmoins en obtenir).
[10]. Le gouvernement a augmenté son encours de bons du Trésor, le faisant passer de 127,1 milliards au 29 février à 258,0 milliards de dollars au 30 avril 2020. Il s’agit de la plus forte hausse pendant deux mois jamais enregistrée.
[11]. Banque du Canada, Revue du système financier – 2020, consultable à : https://www.banqueducanada.ca/2020/05/revue-du-systeme-financier-2020/?_ga=2.126046093.1483251839.1592239089-1006873197.1591816924.
[12]. Couverture = la valeur en dollars des offres reçues divisée par le montant adjugé.
[13]. Y compris les adjudications de la Banque du Canada.
[14]. Les adjudications des bons et obligations du Trésor tenues en avril 2020 ont donné des résultats comparables à ceux des obligations à rendement nominal. La couverture était de 1,91, comparativement à la moyenne de 2,11 observée de 2013 à 2020.